Communication des collectivités locales : une communication d’entreprise… comme les autres, visant le citoyen acheteur

Communication des collectivités locales : une communication d’entreprise… comme les autres, visant le citoyen acheteur

par Serge-Henri Saint-Michel

Ce qui différencie principalement ces deux émetteurs… c’est évidemment leur source. Pourtant, nombreux sont leurs éléments communs en terme de communication. Nous en présenterons ici quelques uns, avec un coefficient de distorsion voulu afin de montrer que le citoyen et l’acheteur, puisqu’ils ne peuvent être artificiellement séparés, mènent à l’utilisation d’approches communicationnelles identiques entre les collectivités locales et les entreprises, destinées au citoyen acheteur.

Le citoyen démobilisé, inerte face aux enjeux électoraux, doute des institutions et de la politique. Cet homo civis demeure inséparable de l’homo economicus qui, s’il sait s’impliquer sur certains mouvements à la limite de la politique et de la consommation (bio, humanitaire, développement durable…), développe en partie une consommation désimpliquée, particulièrement pour les produits et services perçus comme une contrainte. Ainsi, ce qui est obligatoire est toujours trop cher, acheté rapidement et à contre-cœur : la cantine, l’abonnement transports, les produits d’entretien.
Avec le virage vers le consumérisme qui, parfois, cache des demandes plus exigeantes qu’un service ne peut apporter, le citoyen acheteur se place en demandeur que ses  » fournisseurs  » doivent satisfaire puisqu’il est le  » client « . La critique du contenu pédagogique d’un cours, de l’équilibre d’un repas scolaire est similaire à celle des qualités nutritionnelles de la restauration rapide ou de la surcharge saline des céréales du petit-déjeuner. Ce sont juste des marchés différents… s’adressant à des sources et cibles identiques.

Face à elles, collectivités locales et entreprises développent une communication
– De persuasion, visant à générer de nouveaux comportements (sociaux, économiques, alimentaires…) ou à différencier la marque face à des concurrents, des acheteurs ou des  » comportements repoussoirs « . L’objectif est de révéler, souvent en utilisant les solutions éculées du avant / après ou du side by side.
– De justification, par la preuve systématique des assertions afin de mieux appuyer la promesse. Les collectivités locales sont ainsi  » tombées  » dans les stratégies créatives, voire même dans celles, plus rigides, issues des lessiviers, surtout lorsque le service à vendre se prête à une articulation promesse / bénéfice / justification.

Les émetteurs doivent donc sans cesse se positionner dans l’esprit du citoyen acheteur en misant sur
– La communication d’existence invitant les cibles à penser, par un raccourci généralement à base d’affectif, que  » ici c’est mieux qu’à côté « , favorisant un repli sur un groupe géographique, sur un groupe de pairs, etc.
– L’identité, territoriale pour les collectivités locales, issue de ses traditions, de son urbanisme, etc. ; de marque pour les entreprises, en insistant sur leur antériorité, leurs racines dans la culture nationale, leur puissance…
– Le développement d’un sentiment communautaire de fierté, d’appartenance, de signe.
Différenciation et capitalisation sur un existant, typiques d’une communication de marque sont donc entrées dans la communication des collectivités territoriales.

En termes de moyens de communication, la palette est quasi similaire entre les deux émetteurs : le journal municipal s’éloigne peu du consumer magazine, le site web est un site plaquette (parfois transactionnel) multicibles, les outils de communication de proximité sont largement utilisés… Face à la désimplication que nous évoquions, collectivités locales et entreprises cherchent à se rapprocher du citoyen acheteur par de l’événement, de la communication géociblée (quartiers vs. points de vente et rayons), de l’affichage, de la communication relationnelle (clubs, service nouveaux arrivants / nouveaux consommateurs, assistance téléphonique)…
Enfin, quant aux modes de communication, tous sont utilisés par les collectivités et les entreprises, que ce soit la communication  » commerciale « , institutionnelle, interne ou le design… Sans compter les nouvelles orientations vers le développement durable.

Ces éléments tendent à prouver que la communication des collectivités territoriales et celle des entreprises se ressemblent de plus en plus, probablement aussi parque que les collectivités locales s’inspirent de méthodes et process à l’efficacité avérée, utilisés dans les entreprises.
Alors pourquoi les collectivités territoriales recrutent-elles encore tant d’hommes du sérail qui n’ont pas évolué en entreprise ?

La communication change. Le rapport des hommes politiques à la communication aussi. Espérons que les ressources humaines suivront. Pas tout de suite compte tenu du rôle  » politique  » du poste de directeur de la communication en collectivité, à la limite, souvent sciemment franchie, de la communication  » classique  » et de la propagande des élus.
Alors, pour ne pas éventer les recettes de cette fine alchimie, laissons à ces  » spécialistes  » des collectivités locales le soin de nous réinventer l’eau tiède.

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