Etre « attaché » parlementaire…

Marie-Christine Méchet est assistante parlementaire du député Pierre-Christophe Baguet. Elle nous explique le quotidien de son travail à l’assemblée, un travail qui est fait de recherches en amont et de contacst avec l’extèrieur.

Planète-RP : Quel est votre parcours ?

Marie-Christine Méchet : J’ai fait des études de droit public (maîtrise de droit public interne, Sciences-po Paris – section  » service public  » et 3ème cycle universitaire de Défense à Toulon). Parallèlement la politique m’a toujours passionné (en 1984 j’ai été secrétaire des jeunes du Club 89), bien que je ne sois pas une  » militante « , je n’ai jamais adhéré à un parti politique craignant de m’y sentir trop à l’étroit. Après une première expérience dans une société de services informatiques comme cadre administratif en province, j’ai arrêté de travailler pendant 7 ans pour m’occuper de mes enfants. De retour à Paris, j’ai souhaité devenir assistante parlementaire. J’ai commencé à travailler avec un premier député à l’Assemblée nationale en janvier 1994.

PRP : Quel est le rôle d’un assistant parlementaire ?

MCM : Le rôle de l’assistant parlementaire est différent selon que son activité est à l’Assemblée nationale ou en circonscription. Je parlerai de ce que je connais le mieux : l’assistant parlementaire à l’Assemblée nationale.

Dans le domaine législatif, c’est un rôle en amont du travail du député. J’ai l’habitude de dire dans une boutade que  » le travail de l’assistant s’arrête là où commence celui du député  » et c’est très bien ainsi. Nous sommes là pour aider le député à intervenir sur les textes. Evidemment, les députés n’interviennent pas sur tous les textes… ils les choisissent selon leurs centres d’intérêt et leur commission.

Le travail de l’assistant parlementaire commence alors, il étudie minutieusement les dispositions présentées, rédige et dépose des amendements, prépare les interventions et le dossier de séance…Nous ne pouvons pas aller en commission à la place du député, ni dans l’hémicycle bien sûr…Les collaborateurs des groupes politiques, auxquels appartiennent la plupart des députés, nous aident beaucoup dans cette fonction, les textes sont généralement assez complexes…En revanche, quand le député est le rapporteur d’un texte, il est aidé par les fonctionnaires de l’Assemblée affectés à la commission devant laquelle le texte a été renvoyé, le rôle de son assistant est alors très minoré.

Mais notre travail ne s’arrête pas à l’étude des textes, nous traitons également le courrier parlementaire en rapport avec le travail législatif. Les députés sont régulièrement saisis par leurs administrés sur des sujets extrêmement variés, dans lesquels il leur est parfois demandé de véritables consultations juridiques… Le Service des études de l’Assemblée est là pour nous aider à leur répondre. L’assistant peut alors rédiger, au nom de son député, des questions écrites à adresser au ministre ainsi que des propositions de loi. L’assistant parlementaire rédige également les courriers par lesquels le député peut interpeller le gouvernement sur les problèmes rencontrés dans l’application des lois. Il rédige aussi les courriers de saisine du Médiateur de la République pour aider, en dernier recours, les personnes contestant en vain une décision ou un comportement de l’administration.

Le député a également une mission d’information envers ses administrés. Cette mission est assurée par son assistant qui transmet les projets de loi et les propositions de loi, les textes votés, les rapports d’information, les rapports des commissions d’enquête ou des missions de contrôle, toutes informations ayant trait au travail parlementaire.

L’assistant a également un rôle essentiel de tri de l’information. Le député reçoit énormément de documentations, de rapports, de courriers, de revues des presse. A nous de constituer des dossiers le plus à jour possible sur ses différents centres d’intérêt afin de lui permettre de trouver rapidement l’information quand un sujet se présente à lui.

PRP : Quel est votre statut ?

MCM : Actuellement, il n’existe pas, à l’Assemblée nationale, de statut de l’assistant parlementaire. Mieux, notre profession n’est pas reconnue officiellement, nous n’avons pas de convention collective, aucune condition de diplôme n’est exigée, aucune grille de salaire n’est imposée, l’ancienneté n’est pas reconnue et nous bénéficions du droit minimum accordé par le code du travail. Nous sommes tous des  » collaborateurs de député « , du chauffeur à l’assistant en passant par la secrétaire. Nos contrats sont des contrats de droit privé, mais nous sommes payés sur fonds publics, la fin du mandat du député rompt ipso facto le CDI, nous sommes gérés par les services de l’Assemblée nationale qui, par ailleurs, ne veulent pas nous connaître individuellement…Nous essayons depuis des années de sortir de ces contradictions pour que notre métier soit enfin reconnu mais nous sommes ballottés entre les députés, qui n’ont pas été élus pour gérer du personnel, et les services de l’Assemblée qui veulent entendre parler de nous le moins possible…C’est parfois ubuesque !

La situation au Sénat est un peu différente, la condition des assistants est meilleure qu’à l’Assemblée et bien qu’il n’existe pas en tant que tel un  » statut « , leur métier est beaucoup mieux reconnu et identifié. Des conditions de diplôme déterminent les différents métiers, y sont attachées le statut de cadre, des grilles de salaire, l’ancienneté est reconnue…autant d’avancées qui permettent de proposer une progression de carrière à l’assistant parlementaire.

PRP : Cette responsabilité vous a t-elle été proposée par votre député ou l’avez-vous sollicité ?

MCM : Le marché du travail des assistants parlementaires est un marché  » caché « . Il n’existe pas de centralisation des CVs, pas de journal de petites annonces, pas de lieu de rencontre. C’est un peu le  » système D  » et la circulation des candidatures se fait beaucoup par les assistants eux-mêmes. Le travail parlementaire ne s’apprend pas vraiment dans les livres mais beaucoup sur  » le terrain « , dans la pratique. Le député avec lequel je travaille depuis quatre ans était alors un nouvel élu et il cherchait quelqu’un qui connaissait bien l’Assemblée et le travail parlementaire, il avait envie de s’investir dans le travail législatif.


PRP : Est-il nécessaire d’avoir la même sensibilité politique que son député ?

MCM : Evidemment oui. Même si dans notre grande majorité nous ne sommes pas des militants, nous sommes des collaborateurs  » politiques  » et avons des convictions. Ici, à l’Assemblée, nous représentons notre parlementaire et comme nous préparons son travail législatif, je pense qu’il est indispensable d’avoir des convictions politiques identiques aux siennes.
Quelles sont les qualités requises pour être un bon assistant parlementaire ?

Il faut être réactif, travailler rapidement, connaître parfaitement les arcanes du travail législatif. Il faut se tenir constamment informé, beaucoup lire, être organisé et ordonné. Il faut savoir comment  » fonctionne  » son député pour l’aider au maximum à exercer son métier de législateur.


PRP : Etes-vous amenés à travailler avec la presse, si oui quelle type de presse et quels sont vos rapports ?

MCM : Non, je ne m’occupe pas des relations avec la presse, c’est le domaine réservé de mon collègue de circonscription qui est en contact avec la presse locale.


PRP : Avez-vous des contacts avec les autres assistants parlementaires à l’AN et plus particulièrement est-ce que la profession est organisée ?

MCM : Oui, bien sûr, nous avons beaucoup de contacts et de relations d’amitié entre nous. Certains assistants sont présents à l’Assemblée depuis de nombreuses années. Nous travaillons souvent ensemble sur les dossiers, afin de préparer des amendements sur les textes, de répondre aux courriers-type et aux multiples pétitions que le député reçoit. Les bureaux des députés étant attribué selon l’étiquette politique, nous restons souvent  » entre nous  » et n’avons que peu de contact avec les assistants des autres députés. La vie ici est très politisée et nous fonctionnons ainsi sans même nous en rendre compte.

Il existe plusieurs associations d’assistants de droite et de gauche. Je suis moi-même secrétaire général adjoint de l’Association Française des Collaborateurs Parlementaires, la plus ancienne des associations, créée 1979. Un syndicat de gauche a même été créé il y a quelques années. Néanmoins, nous travaillons tous ensemble afin que notre métier soit mieux reconnu et qu’un statut lui soit enfin conféré, le chemin est long et les Législatures trop courtes. Mais la permanence des structures mises en place permet une action à plus long terme et nous avons de bons espoirs d’avoir un jour un statut à la mesure de notre métier et une véritable reconnaissance.

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