Vous êtes un observateur privilégié du monde du travail. Quelles sont, selon vous, les spécificités des conditions de travail dans le monde associatif ?
Le contexte du travail associatif présente en effet quelques traits particuliers. Parmi ceux-ci notons la dimension TPE/PME (prépondérance des structures de faible effectif salarié) où les aspects relationnels s’avèrent souvent déterminants.
Ce milieu se distingue aussi par une forte implication subjective des acteurs. Y cohabitent des salariés, des bénévoles, des bénéficiaires de contrats aidés c’est-à-dire une population relevant de statuts, de cultures et de légitimités hétérogènes. Les investissements et les attentes de chacun ne sont pas les mêmes, ce qui peut provoquer des incompréhensions voire des conflits.
Par ailleurs, la fonction « employeur » est souvent mal assumée par des dirigeants bénévoles qui répugnent à la déléguer alors qu’ils ne sont souvent guère préparés culturellement et techniquement à la maîtriser.
La professionnalisation des associations serait en cours : recrutement dans le privé, rationalisation, marketing offensif,… Observez-vous des évolutions notables et récentes qui confirment cette tendance?
Le travail associatif se professionnalise en effet : il s’adosse de plus en plus à de l’expertise et de la technicité. C’est particulièrement observable en matière financière et comptable, du fait de contraintes administratives ou réglementaires accrues en termes d’évaluation et de reddition de comptes.
Le recrutement tend à privilégier désormais la spécialisation diplômée plutôt que la capacité d’engagement ou l’adhésion explicite à des valeurs. L’ambiguïté demeure, néanmoins, puisque les salariés faisant le choix associatif sont souvent conscients de consentir un sacrifice sur la rémunération ou tout au moins sur les perspectives d’évolution de carrière.
Les nouvelles contraintes techniques amènent parfois à rendre prépondérante la dimension d’ingénierie (technique ou marketing) au détriment du sens et des finalités de l’action menée: on risque de dévitaliser le projet associatif lui même. Singer l’entreprise n’est pas nécessairement le gage d’une plus grande efficacité !
Les politiques RH ou managériales des associations vous semblent-elles en adéquation avec leurs messages éthiques ?
Non, c’est parfois le grand écart. Il arrive même de plus en plus fréquemment que les logiques du secteur marchand contaminent les politiques RH ou managériales des associations. Poussées à l’extrême, ces logiques amènent à regarder le salarié comme un coût et une simple variable d’ajustement. Nous sommes alors loin de l’exemplarité que l’association devrait – ne serait-ce que par souci de cohérence – mettre en œuvre dans ses pratiques internes.
Il faudrait sans doute nuancer ce constat en fonction du type de structures : associations d’adhérents ou de personnes morales, prégnance plus ou moins forte des injonctions externes, origine des financements, importance de la composante technique dans le projet…
Néanmoins, et plus fondamentalement, on peut dire que la qualité (ou l’absence) du dialogue social dans l’entreprise associative est souvent un bon indicateur de la santé démocratique de ladite association: là où le salarié subit l’autoritarisme il est probable que l’adhérent ne soit guère mieux considéré.
De manière assez symptomatique, les grands débats actuels autour de la « gouvernance associative » ignorent largement la question du rôle des institutions représentatives du personnel salarié.
Enfin, rappelons que les salariés associatifs sont en France les salariés les moins bien couverts par des garanties conventionnelles. Comme on dit dans les entretiens d’évaluation, il reste donc de « réelles marges de progression »…
Propos recueillis par David Martinez – les Bancs de la com’
La prochaine édition des Bancs de la Com’ – 3èmes rencontres de la communication associative – a lieu à Paris ce 15 octobre 2009.
Alain Pellé est secrétaire général du Syndicat des Mouvements et Associations (SMA) CFDT. Fin observateur du monde du travail dans ce milieu, il intervient dans la table-ronde sur « les contradictions de la communication associative » aux 3èmes rencontres de la com’ associative le 15 octobre à Paris.
Vous êtes un observateur privilégié du monde du travail. Quelles sont, selon vous, les spécificités des conditions de travail dans le monde associatif ?
Le contexte du travail associatif présente en effet quelques traits particuliers. Parmi ceux-ci notons la dimension TPE/PME (prépondérance des structures de faible effectif salarié) où les aspects relationnels s’avèrent souvent déterminants.
Ce milieu se distingue aussi par une forte implication subjective des acteurs. Y cohabitent des salariés, des bénévoles, des bénéficiaires de contrats aidés c’est-à-dire une population relevant de statuts, de cultures et de légitimités hétérogènes. Les investissements et les attentes de chacun ne sont pas les mêmes, ce qui peut provoquer des incompréhensions voire des conflits.
Par ailleurs, la fonction « employeur » est souvent mal assumée par des dirigeants bénévoles qui répugnent à la déléguer alors qu’ils ne sont souvent guère préparés culturellement et techniquement à la maîtriser.
La professionnalisation des associations serait en cours : recrutement dans le privé, rationalisation, marketing offensif,… Observez-vous des évolutions notables et récentes qui confirment cette tendance ?
Le travail associatif se professionnalise en effet : il s’adosse de plus en plus à de l’expertise et de la technicité. C’est particulièrement observable en matière financière et comptable, du fait de contraintes administratives ou réglementaires accrues en termes d’évaluation et de reddition de comptes.
Le recrutement tend à privilégier désormais la spécialisation diplômée plutôt que la capacité d’engagement ou l’adhésion explicite à des valeurs. L’ambiguïté demeure, néanmoins, puisque les salariés faisant le choix associatif sont souvent conscients de consentir un sacrifice sur la rémunération ou tout au moins sur les perspectives d’évolution de carrière.
Les nouvelles contraintes techniques amènent parfois à rendre prépondérante la dimension d’ingénierie (technique ou marketing) au détriment du sens et des finalités de l’action menée: on risque de dévitaliser le projet associatif lui même. Singer l’entreprise n’est pas nécessairement le gage d’une plus grande efficacité !
Les politiques RH ou managériales des associations vous semblent-elles en adéquation avec leurs messages éthiques ?
Non, c’est parfois le grand écart. Il arrive même de plus en plus fréquemment que les logiques du secteur marchand contaminent les politiques RH ou managériales des associations. Poussées à l’extrême, ces logiques amènent à regarder le salarié comme un coût et une simple variable d’ajustement. Nous sommes alors loin de l’exemplarité que l’association devrait – ne serait-ce que par souci de cohérence – mettre en œuvre dans ses pratiques internes.
Il faudrait sans doute nuancer ce constat en fonction du type de structures : associations d’adhérents ou de personnes morales, prégnance plus ou moins forte des injonctions externes, origine des financements, importance de la composante technique dans le projet…
Néanmoins, et plus fondamentalement, on peut dire que la qualité (ou l’absence) du dialogue social dans l’entreprise associative est souvent un bon indicateur de la santé démocratique de ladite association: là où le salarié subit l’autoritarisme il est probable que l’adhérent ne soit guère mieux considéré.
De manière assez symptomatique, les grands débats actuels autour de la « gouvernance associative » ignorent largement la question du rôle des institutions représentatives du personnel salarié.
Enfin, rappelons que les salariés associatifs sont en France les salariés les moins bien couverts par des garanties conventionnelles. Comme on dit dans les entretiens d’évaluation, il reste donc de « réelles marges de progression »…
Propos recueillis par David Martinez – les Bancs de la com’