Philippe Nieuwbourg est une figure bien connue du journalisme informatique. Il a décidé de lancer un nouveau titre et s’explique sur sa stratégie et le plan de communication adopté par son agence ( H&B ).
Planète-RP : Pouvez vous nous rappeler votre parcours et votre activité actuelle ?
Philippe Nieuwbourg : Mon parcours est assez peu conformiste. Je viens du monde de l’entreprise. J’ai commencé ma carrière comme consultant chez un éditeur, et durant plusieurs années, j’ai installé et paramétré des progiciels de comptabilité, de trésorerie, de consolidation, dans des dizaines d’entreprises de toutes tailles. Je suis donc plus proche du monde de l’entreprise que du microcosme de la communication. J’ai ensuite pris en charge la rédaction en chef de CXP Informations, et créé le magazine Informatique Entreprises. Depuis deux ans, j’ai lancé mes propres activités. Je dirige deux sociétés : VirComOnLine, qui conçoit, gère et anime des communautés professionnelles sur Internet ; et Marcom Génération, qui s’articule autour de trois métiers : les études comparatives de progiciels ; la création de contenu papier et web pour les éditeurs et SSII du secteur informatique ; et ECONOtique, notre nouveau magazine.
PRP : Comment est née l’idée de lancer ce magazine ? Sur quelle étude du marché et quel modèle économique s’appuiera-t-il pour perdurer ?
PN : L’idée est simple. Elle s’appuie sur le proverbe boursier qui dit qu’il faut « vendre au son du clairon, et acheter au son du canon ». Le canon retentit en ce moment dans beaucoup de groupes de presse informatique ! C’est donc le moment pour nous de nous lancer dans cette aventure.
Plus sérieusement, notre lancement s’appuie sur une étude de marché permanente que nous réalisons, Barbara Poirette (qui est la rédactrice en chef de ECONOtique) et moi-même, depuis environ 7 ans. Quel est le plus gros consommateur de progiciels et de système d’information en France ? Le patron de PME-PMI. Les 2 millions d’entreprises françaises s’équipent régulièrement en PC, en progiciels comptables, de facturation, de gestion de la relation client, de gestion de production, et maintenant sur Internet. Or quel magazine est à leur portée, et traite de ces sujets : aucun !
Notre cible, les membres du comité de direction des entreprises moyennes, lisent Les Echos, ou La Tribune, mais y parle-t-on de progiciels ? Non. Ils ne lisent pas 01 Informatique car ils n’ont pas de DSI et l’avenir de Java au petit-déjeuner ne les passionne pas. PC Expert, certes, mais on ne leur parle que de leur PC, et jamais de leur entreprise. Il leur reste CXP Informations, mais le titre a disparu il y a plus d’un an, et a été remplacé par un titre, Progiciel Expert, dont le contenu rédactionnel ne correspond pas à leurs besoins. Beaucoup nous l’ont confirmé directement.
ECONOtique est donc un magazine trimestriel. Il est thématique et traitera chaque trimestre d’un thème différent (progiciels de gestion en décembre, gestion de la relation client en mars,…). Plus qu’un magazine, c’est un « magaguide » qui regroupera toutes les informations dont le lecteur a besoin pour choisir et mettre en places les outils de son système d’information.
Toute la question est dans le modèle économique. Les titres actuels s’appuient à 90/95% sur les ressources publicitaires pour leur financement. Nous avons décidé de franchir le pas, et de dépendre à 100% de la publicité. Comme tous les magazines professionnels américains, nous mettons en place une stratégie de diffusion qualifiée. C’est-à-dire que toute personne peut déposer sur notre site www.econotique.com , dès aujourd’hui, une demande d’abonnement. Si elle correspond à notre cible, elle sera abonnée gratuitement au magazine durant un an. Si elle ne correspond pas à la cible, elle recevra une proposition d’abonnement payant. Ce modèle est bien entendu compatible avec une totale indépendance entre la rédaction et la publicité. Cela va sans dire, mais encore mieux en le disant, et en l’écrivant !
Ce modèle nous permet de lancer notre premier numéro avec un parc de 7000 abonnés qualifiés environ, et de fournir à nos annonceurs une étude détaillée de lectorat, avant même la sortie du premier numéro ! Nous avons d’ailleurs également choisi de nous différencier en adoptant une politique de transparence totale vis-à-vis de nos annonceurs. Nous leur fournirons automatiquement, dès la parution du numéro, copie des factures d’impression et de routage, certifiées par notre commissaire aux comptes.
Les premières réactions des annonceurs sont très positives. Je vous mentirai en disant que le premier numéro est bouclé, mais nous avons déjà suffisamment de pages vendues pour assurer notre rentabilité, et certains annonceurs ont déjà réservé les quatre numéros trimestriels de l’année 2002-2003.
Enfin, pour finir avec un sourire, je crois que notre proposition de transparence leur a plu, et que certains vont l’imposer aux autres médias dans lesquels ils annoncent, dont certains ont pris la mauvaise habitude de multiplier leurs chiffres….
PRP : Vous travailliez avec l’agence H&B pour votre lancement. Quelle stratégie a été décidée pour le lancement ?
PN : Nous ne sommes pas un « groupe de presse » dans le sens où je n’ai pas plusieurs millions d’euros à dépenser pour afficher dans le métro parisien. Je crois de plus que cette stratégie n’est pas la bonne. Nous avons donc monté avec H&B une stratégie de communication basée sur le marketing viral. Nous utilisons tous les canaux de communication pour faire connaître ECONOtique. Le point fort de H&B est justement de savoir nous aider à dépasser le cadre convenu des relations presse, pour nous aider à profiter de toutes les opportunités pour faire parler de notre magazine. Nous avons donc informé dans un premier temps la presse média, qui est parfois gênée par notre positionnement anti-conformiste et a du mal à nous classer. Nous travaillons également beaucoup avec les sites web d’information et les newsletters. Les retombées directes sont d’ailleurs bien meilleures sur ces nouveaux canaux.
Dans le même ordre d’idée, Barbara Poirette et moi-même avons décidé de travailler main dans la main avec les agences de relation presse. Elles ne sont pas nos ennemis, contrairement à ce que certains journalistes semblent penser ! Nous avons besoin des agences, tout comme elles ont besoin de nous. C’est pourquoi le lancement du magazine a été annoncé le 1er octobre, en même temps aux agences et aux annonceurs. Une vingtaine d’agences de RP avaient fait le déplacement et nous les en remercions. C’est avec un partenariat comme celui-ci que nous (elles et nous) serons les plus efficaces pour informer correctement nos lecteurs.
PRP : Comment jugez vous la situation actuelle de la presse française et plus particulièrement la presse spécialisée ainsi que la morosité ambiante des agences de communication ?
PN : Les deux problèmes sont différents. Concernant la presse, elle subit le contrecoup de l’éclatement de la bulle Internet. Le directeur des rédactions d’un important groupe de presse informatique me disait il y a quelques années qu’il avait besoin de créer beaucoup de nouveaux titres, juste pour absorber l’ensemble des publicités que les annonceurs souhaitaient lui passer. Les groupes de presse paient aujourd’hui les excès de cette période. Malheureusement, la disparition d’un titre de presse est plus visible que les licenciements qui ont eu lieu chez de nombreux acteurs du marché, c’est pour cela que l’on en parle autant aujourd’hui.
Par ailleurs, les rédactions des groupes de presse ont été habituées à travailler avec des moyens importants, et des rédactions pléthoriques. Et si les notions de productivité et d’efficacité, étaient mises en pratiques dans les rédactions… je sais, je deviens politiquement incorrect. Pourtant certains l’on compris. IDG et son nouveau magazine CIO, tout comme ECONOtique, s’appuie sur une rédaction très légère, et très flexible : deux personnes dans notre cas à temps plein, et le reste sous-traité à quelques pigistes.
Concernant les agences, le problème me semble différent. Plus le nombre de titres de presse augmente, plus la pagination globale augmente, plus le nombre d’article et donc les chances de voir votre client cité augmentent. En période de récession et de fermeture de titres, le phénomène inverse se produit. Alors que certaines agences se contentaient d’envoyer un communiqué de presse sans intérêt, et que le client se contentait des quelques retombées « automatiques », ces derniers redeviennent plus exigeants. Il y a morosité chez les agences qui ne voyaient pas d’inconvénient à facturer 5000 euros par mois, sans rien faire pendant deux ou trois mois. Les mauvaises agences vont souffrir, se réorganiser, réduire leurs coûts,… ou disparaître. Les bonnes agences, celles qui font leur métier honnêtement, et respectent le client, sans surfacturer leurs prestations, et qui savent s’adapter, tireront sans problème leur épingle du jeu. J’en connais d’ailleurs quelques unes qui se portent très bien aujourd’hui.
PRP : Vous êtes très présent sur le front des newslettres. Pensez vous qu’elles supplanteront à termes les titres imprimés professionnels ?
PN : Certainement pas ! Bien au contraire ! L’arrivée du Web a fait passer la presse par trois étapes :
– la première étape a consisté pour les magazines papier à reproduire sur Internet le même contenu. Ils ont frustré leurs lecteurs qui ne comprennaient pas pourquoi le magazine papier qu’ils achetaient était accessible gratuitement sur Internet.
– La deuxième étape à conduit les groupes de presse à créer des portails basés sur la gratuité, dotés parfois de rédactions de plusieurs dizaines de journalistes, espérant se rémunérer uniquement sur la publicité… on a vu le résultat lorsque le marché publicitaire a changé
– Aujourd’hui la presse papier tente d’écrire comme sur le web. On ne trouve plus que des micro-articles, de quelques lignes, sans analyse, sans opinion, sans prise de position, et toujours politiquement corrects… le lecteur ne veut pas cela non plus.
Les newsletters sont un outil idéal pour informer sur l’actualité, pour faire passer des opinions, pour dire la vérité, pour dire des choses dérangeantes. Nous avons aujourd’hui 12000 lecteurs chaque semaine de nos lettres d’information, et ils nous sont très fidèles. Mais le papier est indispensable à toute lecture analytique. Dès que vous avez sur le Web un article de plusieurs pages sur lequel vous souhaitez travailler, que faites-vous… vous l’imprimez !
J’ai donc décidé de construire peu à peu un groupe de communication, stable, réparti autour de la communication orale par les conférences et les séminaires, de la communication Web pour l’actualité avec nos huit newsletters hebdomadaires, et de la communication papier avec les livres et le magazine ECONOtique.
www.econotique.com